Trahir la place
installation sonore, 44''30' + libretto, 26p., graphisme Gilles Lepore, 2016
Saxophone Antoine Chessex Mise en espace, graphisme Gilles Lepore Enregistrements, montage, texte Stéphane Montavon
Collection Espace multimedia Gantner
Coproduction Espace multimedia gantner & Conseil Général 90.fr F, TdB / Fonds de coopération BS-JU / Fonds de coopération TdB-JU /Pro Helvetia Cairo / Migros KulturProzent / Ernst Göhner Stiftung
Work-in-progress installation in situ @Jardin du Château, SAS Delémont, 17.10.2015
Avant-première en black box @Flatterschafft, Bâle, 24.10.2015
Première installation in situ @Citadelle de la Tour des Bourgeois, Journées du patrimoine, Territoire de Belfort, 17-18.9.2016
Publication du libretto dans la Revue Muliple n°0 2016
Parti au Caire afin de vivre le « Printemps arabe » en compagnie d'Égyptiens de ma connaissance qui désormais descendaient dans la rue afin de réclamer un tournant démocratique, je me suis rendu le 9 mars 2011 sur Tahrir Square afin d'y interviewer un activiste auprès de qui j'étais recommandé par l'un de mes contacts.
Depuis le 25 janvier, des manifestants appartenant à des mouvements citoyens, à des ONGs et à des partis libéraux campaient au centre de ce rond-point qui est aussi le cœur de la capitale. La place était assaillie par des éléments réactionnaires qui réclamaient leur départ pour deux raisons : leur sit-in bloquait le trafic automobile et leurs revendications politiques nuisaient à la bonne marche des affaires. L'armée assistait de loin à ce face-à-face grâce à des blindés postés sur tous les axes débouchant du rond-point.
Ce jour-là, alors que la foule des réactionnaires, emmenée par les « baltaguias », des hommes de main en civil que le NPD, l'appareil politique de Moubarak, emploie au gré de ses besoins tantôt pour manipuler les émeutes, tantôt pour des actes directs de violence et jusqu'au meurtre, saccage le très symbolique camp de tentes de Tahrir Square, l'armée ne bouge pas.
Le soir-même dans le camp des révolutionnaires, que je continue d'interviewer, on ne cesse d'espérer, même si avec Tahrir Square, on a perdu la meilleure visibilité possible pour la cause. On craint la torture pour ceux qui ont été arrêtés, ainsi que le tribunal militaire dont la sentence est sans appel, enfin on maudit cette armée égyptienne à laquelle le peuple s'identifie tant : les jours précédents déjà, elle s'était contentée d'observer les attaques et échauffourées mortelles en marge des manifestations, à Tahrir Square ou devant les ministères. Elle a elle-même tué des manifestants. Une nouvelle fois l'armée a trahi. Mais la Révolution n'est pas terminée, est encore à achever, car la liberté, maintenant qu'on y a goûté, qu'elle a été éprouvée, sera nécessairement poursuivie à nʼimporte quel prix.
Jusqu'à ce point, la pièce sonore ne documente que la plongée aveugle d'un fantassin dans l'événement révolutionnaire, les clameurs, et puis les quelques voix, libérales, qui, trois choses à la fois, vivent cet événement, puis tentent, entre eux comme avec moi, de l'expliquer, enfin affirment, malgré le revers évident qu'il représente, leur foi en une issue positive à leur cause.
Dans la nuit qui vient, lʼarmée prendra avec ses chars le contrôle du rond-point, évacuera les tentes dévastées, nettoiera les banderoles, et ce faisant, elle tiendra les témoins à distance, interdisant à quiconque de prendre des photos. Ce 9 mars 2011, la révolution aura basculé en réaction, ce qui ne s'est pas démenti depuis lors, puisque d'abord le président Morsi, Frère Musulman sorti vainqueur du « jeu démocratique », a été arrêté en 2013 et destitué par le général Al Sissi avec l'assentiment des libéraux - un général qui règne sur le pays plus cruellement que Moubarak aux dires de ceux des Égyptiens qui poursuivent leur lutte.
Dès lors la narration de la pièce se dissout : s'enchaînent un mariage chaabi, une cérémonie zaar (pratiques orales populaires enregistrées en 2008, mais leur existence après l'échec de la Révolution n'est pas menacée, au contraire), et deux chansons de prisonnier bien connues en Égypte, certes composées par une star, Mohammed Mounir, mais chantées par un quidam (enregistrées, elles, quelques jours plus tard en mars 2011). Elle veut croire que la foi révolutionnaire ressurgit dans l'énergie déployée par ces diverses expressions sonores contemporaines.
Dt Der erste Teil ist eine rekonstruierte Direkt-Übertragung von der ägyptischen Revolution in Tahrir Square, gerade an dem Tag, dem 9. März 2011, wo das auf der Insel des Riesenkreisels eingerichtete Zeltlager der liberalen Aktivisten von Handlangern des angeblich gestürzten Regimes Mubaraks zuerst gesteinigt und dann im Laufe des Abends gestürmt wird. Dieser Teil endet mit dem Wunsch einer jungen Aktivistin, dass eine solch grosse Menschenmenge, die mit solch lauter Stimme auf die Strasse geht, irgendwann einmal gehört werden muss,, und dass die durch die Armee verhafteten Demonstranten frei davon kommen.
Der zweite Teil zieht am gleichen Abend eine Bilanz der Geschehnisse. Auf die Handlanger folgte die Armee, die den Platz samt Zelten und Plakaten evakuiert hat. Man weiss, dass die Verhafteten vor ein Militärtribunal ohne möglichen Rekurs gezogen werden. Darüber hinaus hat die Armee verschiedenen Gewalttaten gegen die Demonstranten ohne einzugreifen zugeschaut, und hat selber Gewalt gegen letztere angewendet. Das Volk wurde noch einmal von seiner lieben, starken Armee betrogen.
Im dritten Teil kippt die Geschichte in ein dokumentarisches Audio Road Movie um Tahrir Square um. Der politischen Revolution folgt nun für uns Abendländler die phänomenologische: vor dieser Tragödie sehen wir uns einzig dazu verpflichtet, der Kairoer Klanglandsaft endlich mehr Aufmerksamkeit zu schenken, also vertiefen wir uns dann in eine Aufschichtung von Stimmen.